En tant que dirigeant, pourriez-vous être accusé d’avoir commis une faute de gestion si vous n’avez pas procédé à une augmentation de capital alors que votre société rencontrait des difficultés ? Un cas jugé récemment …
La faute de gestion
Le respect de l’intérêt social. Les dirigeants ont pour obligation de gérer la société de façon compétente, diligente et dans le respect de l’intérêt social, en écartant tout intérêt personnel. Tout dirigeant qui viole cette obligation met en jeu sa responsabilité civile et il sera condamné à réparer le tort qu’il a fait à sa société, l’action en réparation de ce préjudice pouvant être engagée auprès de tribunal de commerce par la société elle-même, par un associé, par le liquidateur, …
Quels types de fautes ? La nature des fautes de gestion retenues à l’encontre des dirigeants est variable: elle va de la simple négligence ou imprudence aux manœuvres frauduleuses caractérisées. Les tribunaux n’exigent pas un acte positif. Parmi les cas les plus fréquents, on peut citer le manquement à l’obligation de loyauté et de fidélité à la société, la négligence ou le défaut de surveillance, le défaut de consultation des associés, les mauvais résultats de gestion, une politique commerciale ou financière contestable, une rémunération abusive, la concentration des pouvoirs, l’inactivité, l’absence de réactivité, etc.
Ne pas augmenter le capital social peut-il être une faute de gestion ?
Un jugement préoccupant...
Les faits. Le liquidateur judiciaire d’une société reprochait au dirigeant de celle-ci de ne pas avoir tenté de procéder à une augmentation du capital au vu des graves difficultés financières qui compromettaient la survie de la société. Il a demandé en conséquence la condamnation du dirigeant à prendre en charge une partie du (très lourd) passif de la société. Et il a obtenu gain de cause: les juges ont condamné ce dirigeant à supporter l’insuffisance d’actif de la société à concurrence de la somme de 1 000 000 €. Le dirigeant condamné s’est alors pourvu en cassation en soutenant que l’augmentation du capital est une mesure qui relève de la compétence exclusive des associés. Il n’avait donc pas commis de faute de gestion …
La sévère décision du juge ! Les juges de la Cour de cassation ont refusé cet argument et confirmé sa condamnation: si les apports de fonds à une société sont effectivement du ressort des associés et non du dirigeant qui ne peut se voir reprocher l’absence d’augmentation du capital, celui-ci commet cependant une faute de gestion s’il ne tente pas d’obtenir une augmentation du capital dans la mesure où il était conscient du fait que, sans recapitalisation, la société allait se retrouver en état de cessation des paiements. Comme il était resté inactif, sa responsabilité était engagée (Cass. 12.07.2016 n° 14-23310).
Conseil. Voici une décision particulièrement sévère à l’encontre du dirigeant. Si votre société rencontre des difficultés et qu’une augmentation de capital s’avère nécessaire, vous devez absolument la demander aux associés au risque de commettre une faute de gestion et d’être condamné au comblement du passif. Rappelons qu’il y a plusieurs façons d’augmenter le capital social: par la création de nouvelles parts sociales à la suite d’apports en numéraire ou en nature; par l’intégration du solde du compte courant d’associé et sa conversion en nouvelles parts sociales ; par augmentation de la valeur des parts existantes ; ou par l’incorporation de réserves ou de bénéfices dans le capital.
Alors même qu’une augmentation du capital doit être décidée en assemblée générale avec tous les associés, il peut vous être reproché, en tant que seul dirigeant, d’avoir commis une faute de gestion en ne tentant pas d’obtenir une recapitalisation de la société en proie à de graves difficultés !